avec Judith Ahadjitsé-Amétépé, Thomas Boutte, Adrien de Casabianca, Vianney Manac’h, Thibault Milet, Emmanuelle Rasse, Romain Rasse, Tiphaine Sellier, Alizée Szwarc, Fanchon Tortech
Mise en scène : Giorgio Alessi-Mansour et Olivier Ponsard
Ahmed le Subtil est une symphonie burlesque, qui n’a de suranné que le vocabulaire, délibérément et délicieusement fleuri. Empruntant et forçant les traits de Molière, elle interroge par le prisme moderne, un chef d’œuvre classique : quid de Scapin s’il avait grandi dans une banlieue communiste ? c’est la question à laquelle répondait il y a pile 25 ans la rêverie urbaine d’Alain Badiou, à mi-chemin entre satire politique et fantaisie poétique.
Tout s’y trouve ! Amours mixtes et illicites aux bâtons dans les roues et alternances politiques aux acteurs roués de coups. Un point commun : le fameux bâton, manié avec la carotte par le gardien du temple, un certain Ahmed, fin psychologue et bon citoyen de la République… bien que coutumier du policiaire, du judiciaire et du pénitentiaire.
C’est ce guérisseur des vicissitudes municipales que les uns et les autres sollicitent tour à tour. Certains par peines de cœur, d’autres par intérêt pécuniaire, d’autres encore par arrière-pensées électorales. Entre les feux croisés du maire Lanterne et de la députée Pompestan, du jeune ouvrier Antoine et de son père le contre-maître Moustache, sous les arbitrages de Rhubarbe le syndicaliste ou d’Alexandre le terroriste, se jouent les cartes de la paix sociale. Une paix bien compromise par le beau sexe, au cœur des débats et des ébats : Fenda, aussi noire que sans-papiers, Sabine, fille du maire et nerf de la guerre et Camille, louloute locale au cuir rusé.
Et nous voici nous-mêmes, titulaires d’une carte de court-séjour à Sarges-les-Corneilles, emportés dans ce tourbillon gouailleur de vulgarité maîtrisée, confrontés à un échiquier politique des plus loufoques et aux moeurs scandaleuses des autochtones, de souche ou non. Amour et pouvoir s’entremêlent dans cette truculente transposition des Fourberies de Scapin, dont Molière aurait sans doute rougi de plaisir. Ahmed, fourbe ange gardien ou gentil petit diable ? A chacun de forger sa subtile conviction.
Porter un texte si brillant, si drôle, si peu commun, cela impliquait de ne pas servir des mots piquants avec un jeu trop épicé et d’éviter, ce faisant, l’écueil de la redondance. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité rendre au classique ses règles et ses droits, en soulignant le grand écart de l’écriture et des intrigues. Un énième indice de la conciliation nécessaire entre le figé et le mouvant.